Coup d’Etat à Ouaga :
Tout a commencé mercredi
après-midi, David était en réunion, moi à la maison et les enfants à l’école.
Je me préparais à aller chercher un couple d’amis à l’aéroport qui rentraient
de France. David m’a envoyé un sms me disant que le RSP (régiment de sécurité
présidentiel) avait pris en otage le président Kafando, le premier ministre
Zida et deux autres ministres au palais présidentiel. Je savais que le RSP
devait être dissout et les militaires dispersés dans les autres régiments. Mais
ceux-ci ayant des avantages importants depuis Blaise Compaoré ne l’entendaient
pas de cette oreille. Ils avaient donc
des revendications, mais je ne m’attendais pas à une destitution du président de
la transition ! Mady notre chauffeur est allé récupérer Yoann à l’école
primaire, puis Marine au Lycée ; là, c’était la panique ; plein de
parents avaient débarqué pour récupérer leurs enfants avant la fin de leurs
cours. Marine était un peu affolée à son retour de l’école. Dès qu’ils sont arrivés,
David est reparti à l’aéroport chercher nos amis et les déposer chez eux.
Thomas est rentré du collège une heure plus tard avec notre voisin, pas stressé
du tout. Le climat était normal, nos amis sont passés boire un coup à la
maison. Mais ils n’ont pas trainé…on a commencé à entendre des tirs, mieux
valait qu’ils rentrent chez eux.
Dans la nuit de mercredi à jeudi,
ça a beaucoup tiré, parfois très près de chez nous. David passait son temps sur
l’ordi et au téléphone, à échanger les infos sur la situation avec ses
collègues. Il faut savoir que dès la veille, les soldats ont fait fermer la
radio Omega, qui relayait en temps réel les évènements. Ils ont même brûlé des
motos de journalistes devant la radio. Rapidement, l’ordre a été donné par le
consulat de rester confinés chez nous. Notre cuisinière n’a pas pris le risque
de venir, le conducteur Mady est venu, on l’a renvoyé chez lui quand les tirs
se sont calmés.
Ce qui est dingue, c’est qu’on
vit « comme si de rien n’était » la plupart du temps ; je cuisine,
on regarde la télé, on joue sur nos tablettes. Mais quand les coups de feu se
font plus proches, on a le ventre qui se serre inévitablement. Je crains
seulement les balles perdues, qui ont fait des victimes dans la rue. Mais je me
dis qu’avec les hauts murs d’enceinte et les murs de la maison, nous sommes
quand même en sécurité.
Nous avions créé un groupe de
discussion sur viber avec quelques amies, à la base pour se donner les bons
plans sur Ouaga. Il s’est transformé en relais en temps réel de l’évolution de
la situation. Nous habitons dans des quartiers différents, ainsi nous savons à
peu près comment vont les choses. Le RSP tire pour éviter le regroupement de la
population, pour les empêcher de manifester. Tout à l’heure ça a été très chaud
pour des amies vivant au bord de la route menant à la place de la révolution.
Ca tirait aux armes lourdes, et les manifestants se réfugiaient dans leur rue,
tentant parfois d’escalader leurs murs pour se protéger. L’une d’elle aurait eu
deux balles perdues, une dans son local piscine et l’autre dans un mur.
Contrairement à d'autres personnes, je ne balance pas d’infos alarmantes sur facebook, je ne vois pas l’intérêt
d’inquiéter la famille et les amis qui sont en France et qui ont très
certainement une vision faussée et exagérée de la situation. Il ne faut pas
oublier que personne n’en a après nous ; il nous suffit de rester sagement
chez nous et d’attendre que ça se passe.
Aujourd’hui vendredi, il y a eu
des tirs, et les manifestants ont tenté de se regrouper sur la place de la
Révolution.
Au moment où j’écris des tirs
retentissent à nouveau pas loin. Couvre-feu à 19 heures, ce sera plus calme
après je pense. Tout à l’heure je regardais un film dans lequel il y a des
coups de feu et j’ai sursauté ; ça m’a fait bizarre !
Ça a un côté irréel, même quand
on est en plein dedans.
Bref, pour le moment on reste
chez nous et on attend d’en savoir plus, de voir comment les choses évoluent.
Lundi, 5ème jour de
confinement. Cela fait près de 3 jours qu’il n’y a pas eu un coup de feu ou
mouvement de foule dans la rue, tout se passait à Ouaga 2000, à l’hôtel Laico,
où des médiateurs de la CEDAEO tentaient de trouver une issue. Après 48 heures
d’attente, très longues ces 48 heures, car on ne savait vraiment rien de ce qui
se passait, ils sont arrivés à un accord en 13 points.
En ce qui nous concerne, ça
commence à faire long, on s’occupe avec la télé, les consoles de jeu et autres
tablettes ; heureusement qu’on a toujours internet, même
si le débit est parfois très lent. Au niveau des appros, j’ai encore tout ce
qu’il faut, et David a pu me faire un plein de fruits et légumes samedi matin à
son retour de sa permanence à l’ambassade. Le seul magasin ouvert, Bingo, a été
pris d’assaut, mais heureusement les légumières, dans les rues, étaient fidèles
au poste !
Normalement les magasins doivent
rouvrir aujourd’hui, mais je ne vais pas m’y ruer, je laisse passer les plus
pressés !
Petite touche positive à tout
cela ; les enfants sont ravis de ne pas aller à l’école !
Mardi, 6ème jour de confinement. Il ne se passe décidément rien !
Pourtant hier dans l'après-midi, on y a cru, quand on a su que l'armée, les gendarmes et les civils avaient décidé d'intervenir. Les militaires des différentes villes du Burkina ont pris la route avec leurs véhicules ; leur but, obliger le RSP à rendre les armes. Mais depuis, statut quo à nouveau, ça négocie, et on ne sait pas ce qui se passe.
Heureusement les écoles ont enfin donné un peu de travail à faire aux enfants, on a moins l'impression de tourner en rond.
Rien de spécial à raconter...on attend !